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Un licenciement peut-il être fondé uniquement sur des témoignages anonymisés ?

9 mai 2023

C’est à cette intéressante question qu’a répondue la chambre sociale de la Cour de cassation dans son arrêt du 19 avril 2023 n°21-203.10.

Un ajusteur monteur de la société AIRBUS OPERATIONS est licencié pour faute grave ; il saisit consécutivement le conseil des prud’hommes de Toulouse.

Afin de prouver le bien-fondé des griefs reprochés, l’entreprise produit notamment devant la juridiction prud’homale, puis la Cour d’appel, le témoignage anonymisé d’un salarié, qui par peur de représailles, ne souhaite pas que son nom apparaisse.

En complément, ce témoignage est accompagné d’un compte rendu d’entretien de ce même salarié réalisé par un membre du service des ressources humaines.

La cour d’appel de Toulouse, saisie de cette affaire, considère le licenciement pour faute grave sans cause réelle et sérieuse.

Son raisonnement ? Le témoignage anonyme produit par l’entreprise ne permet pas au salarié de faire valoir une défense utile.

L’entreprise décide de se pourvoir en cassation.

Son angle d’attaque ? Elle reproche à la cour d’appel d’avoir écarté le témoignage anonymisé, alors qu’en parallèle, elle produisait d’autres éléments de preuve qui permettait aux magistrats de le prendre en considération et donc, d’en apprécier toute la valeur.

La solution de la chambre sociale de la Cour de cassation ? Les hauts magistrats censurent la cour d’appel de Toulouse.

Ils rappellent tout d’abord, au visa de l’article 6 § 1 et 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que la preuve est libre en matière prud’homale.

Ils en déduisent que le droit à un procès équitable ne permet pas au juge de fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes.

Par contre, les hauts magistrats rappellent que les juges du fond peuvent prendre en considération des témoignages anonymisés, c’est-à-dire « rendus anonymes à posteriori afin de protéger leurs auteurs mais dont l’identité est néanmoins connue par l’employeur », lorsque ceux-ci sont corroborés par d’autres éléments permettant d’en analyser la crédibilité et la pertinence.

La réponse de la haute juridiction est claire : l’employeur ne peut pas prouver les griefs d’un licenciement uniquement sur la base de témoignages anonymes.

Cet arrêt est à rapprocher d’un précédent arrêt de la haute juridiction du 8 juillet 2018 n° 17-18241 qui avait invalidé le licenciement d’un salarié à qui il était reproché des faits de harcèlement, uniquement établis sur la base des seuls témoignages anonymes recueillis lors d’une enquête interne.

En conclusion, les témoignages anonymisés conservent tout leur intérêt dans le cadre des dossiers contentieux, dès lors qu’ils sont corroborés par d’autres éléments de preuve.

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