Un management brutal, une nécessaire faute grave ? Oui, répond la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 8 février 2023 n°21-11.535
24 mars 2023
C’est un arrêt intéressant qui a été rendu le 8 février par les magistrats de la Cour de cassation, à l’occasion de faits d’espèce relevant du siècle dernier.
Le directeur général d’une association met en place un management des plus contestables auprès de son équipe : critiques vives et méprisantes, ordres et contre-ordres, sans compter le travail d’un de ses subordonnés, déchiré en public, au motif qu’il est insuffisant…
Licencié pour faute grave, ce cadre saisit la justice, en arguant d’une ancienneté de cinq années irréprochables.
La cour d’appel de Paris lui donne partiellement raison, estimant que son ancienneté plaide en faveur d’un licenciement fondé, non pas sur une faute grave, mais sur une cause réelle et sérieuse.
Cette déqualification lui permet ainsi d’obtenir le bénéfice de son indemnité de licenciement, ainsi que le paiement de son préavis (outre les congés payés afférents).
L’employeur se pourvoit en cassation : selon lui, l’ancienneté n’a pas à être prise en considération et seule la faute grave est de nature à sanctionner la gravité du comportement.
La chambre sociale de la Cour de cassation suit ce raisonnement : elle casse en effet l’arrêt de la cour d’appel de Paris, et retient la faute grave, considérant que le management a été de « nature à impressionner et nuire à la santé de ses subordonnés ».
Il est évident que les hauts magistrats se sont à nouveau placés sur le terrain de la sécurité et la santé au travail, dans la lignée de leur construction jurisprudentielle.
En effet, pour rappel, l’article L. 4121-1 du code du travail impose à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés.
L’ancienneté du salarié est dans ce contexte écartée, ce qu’a déjà fait la haute juridiction dans d’autres affaires, notamment un arrêt du 13 janvier 2016 n°13-18.145, aux termes duquel la chambre sociale avait cassé un arrêt de cour d’appel, qui avait considéré que le licenciement d’un commandant de bord, à qui il était reproché de nombreux manquements aux règles de sécurité, lors d’un vol, relevait de la cause réelle et sérieuse, et non de la faute grave, en raison d’une ancienneté de 11 années.
Dans ces affaires où la sécurité des personnes confiées à un professionnel est en jeu, l’ancienneté n’a pas voix au chapitre… et c’est tant mieux !